Texte revue Oasis

   L'alchimie de la rencontre

 

Chantal 1Texte de Chantal Feugnet paru dans la revue Oasis en décembre 2006

 

L’alchimie est une science occulte au XVIIIéme siècle. D’inspiration spirituelle et ésotérique cette science consistait, au cours de nombreuses expériences, à élaborer un remède universel capable d’opérer une transmutation de l’être et de la matière.

La rencontre consiste à se trouver au même endroit en même temps qu’une autre personne et se faire face. L’alchimie de la rencontre ne pourrait-elle pas nous conduire à nous améliorer ? A transmuter nos imperfections en qualités ?

Il y a des rencontres dont on se souviendra longtemps. Certaines parce qu’elles furent une expérience positive qui nous boulversa. D’autres parce qu’elles furent traumatisantes et nous blessèrent. Mais toutes, au bout du compte, si nous savons les regarder sous l’angle d’une leçon de vie, furent d’une grande richesse.

Par exemple, je n’oublierai jamais ma rencontre avec le Dalaï Lama, car j’ai ressenti, ce jour là, qu’une subtile vibration atteignait mon cœur et l’amenait à s’ouvrir. Cette sensation me fit monter les larmes aux yeux.

De même, je me souviendrai toujours de ma rencontre avec Claudia Rainville, fondatrice de la Métamédecine, que je rencontrai en 1991. J’étais allée, avec l’amie qui voulait me faire découvrir cette auteure québécoise, à Paris pour assister à sa conférence. Je fus captée par son exposé. Claudia y développa sa nouvelle approche de la maladie, elle fit des liens entre les maux du corps humain et les mots que l’on n’avait pas dit. Plus elle développait, plus cela résonnait en moi et prenait du sens. Comme si quelque chose, au plus profond de moi, savait que c’était juste et que je venais de trouver ce que je cherchais depuis longtemps. Cette rencontre, ainsi que la découverte de l’approche qu’elle avait élaborée, me conduirent par la suite à changer complètement ma vie.

D’autres rencontres me laissèrent une blessure, une souffrance, que j’avais enfouie tout au fond de moi.

            Aujourd’hui, de part ma profession, je rencontre des personnes de tous horizons qui viennent me consulter et qui me raconte leur vécu, douloureux le plus souvent, afin que je les aide à y voir plus clair ou à se libérer de leur traumatismes. Voici l’histoire de Jane, elle a quarante ans et souffre d’un mal-être sur lequel elle ne peut pas mettre de mots et aussi de douleurs que lui cause une lombalgie. Cela a débuté il y a quelques années, quand elle est arrivée dans le service où elle travaillait encore il y a deux mois, avant d’être arrêtée pour dépression. En entrant dans ce service, Jane rencontra Michel, son chef de service. Très vite, Jane se heurta à de l’incompréhension de la part de Michel, qui tourna vite à de l’agressivité. Aujourd’hui, Jane se sent  incapable et elle croit avoir tout raté. Les premières pistes, fournies par la symbolique du corps humain,  sont la lombalgie. Cela nous indique que Jane à une peur inconsciente de ne pas être à la hauteur et de perdre son emploi, et ainsi ne plus assurer ses besoins de bases. Quand je lui demande à qui Michel, dans ses attitudes, dans ses comportements, lui fait penser, sans hésiter une seconde, elle me répond :

-          A mon père !

Peu à peu, le puzzle de Jane se met en place. Elle comprend qu’une petite fille est restée bloquée dans ses souffrances et qu’elle l’habite encore, après l’avoir accueillie, comprise, aidé à transformer ses fausses interprétations, Jane se sent mieux, elle est prête à retourner dans la vie active en se positionnant différemment. La rencontre avec Michel, son chef de service, avait réveillé son sentiment d’impuissance et de dévalorisation.

            Jacques cherche à comprendre ses colères, surtout celles qu’il éprouve envers ses enfants. En remontant dans son passé, il s’aperçoit qu’enfant il avait été le jouet de sa mère et que son père, absent le plus souvent, ne le soutient pas. Il va même jusqu’à l’inscrire dans une administration sans lui en parler avant. Tout en me retraçant son histoire Jacques fit des liens,  il me parla de sa première rencontre professionnelle où il avait été propulsé dans une classe d’enfants, sans même y avoir été préparé. Au fur et à mesure qu’il relatait les faits, il prenait conscience des rencontres qu’il avait faites et comment celles-ci lui permirent d’accéder à des postes de responsabilité de plus en plus élevés. C’était, tantôt son supérieur hiérarchique compréhensif, tantôt un collègue qui refusait d’appliquer des techniques qu’il trouvait inappropriées et qui cherchait des méthodes plus innovantes. Tantôt, un ami qui l’a soutenu. A ce stade de l’histoire, ce que nous observions ensemble, c’était comment ces rencontres furent capitales dans son évolution. Ce qui lui fit monter quelques émotions.

- Vous vous rendez compte, me dit-il soudain, que toutes ces personnes me firent entièrement confiance, à moi qui à l’époque, ne savait même pas de quoi j’étais capable!

Jacques comprendra aussi comment ses colères contre ses enfants, ne sont que l’expression de celles qu’il a éprouvé contre sa mère et qu’il a refoulées. Contenues longtemps, celles-ci deviennent incontrôlables face à certaines attitudes de ses enfants.                                                                  

Nos rencontres ne réveilleraient-elles pas quelque chose en nous ? Quelque chose comme un sentiment,  d’où émergerait une émotion ? Quelque chose que l’on aurait enfoui pour différentes raisons ? L’alchimie pourrait alors consister à se servir de nos rencontres pour transformer ce quelque chose de douloureux en quelque chose d’autre. Nous ne pouvons pas changer ce que nous avons vécu, mais pouvons-nous changer le regard que nous portons sur ce vécu ? Pour ma part, je crois que oui. Mais avant il faudra vider ce sac lourd de nos souffrances,  que nous portons, afin d’identifier les ingrédients qu’il contient et de pouvoir élaborer le remède.